2. Le 18e siècle
Après sa mise au monde, la clarinette, sous sa forme initiale, soit avec seulement 2 clés, restait limitée à sa gamme diatonique naturelle. Les demi-tons (chromatismes) sont limités à quelques- uns, obtenus comme à la flûte à bec par des doigtés fourchus. Aussi, il manque le Si du registre du clairon pour lier la gamme du chalumeau à celui du haut, appelé registre du clairon. Quelques décennies plus tard, le corps du bas fut rallongé d’un demi-ton au MI grave, ce qui permit d’émettre le SI manquant du registre du clairon. Une troisième clé est créée, articulée par l’auriculaire gauche.
Afin de s’adapter au répertoire et de profiter de leurs différents caractères les clarinettes ont étés rapidement produites en différentes tonalités. En raison de la disparité des diapasons selon les régions, il fallait aussi des corps de différentes longueurs d’où la solution de construire l’instrument en plusieurs tronçons démontables.
Dans la deuxième moitié du 18e, la clarinette affirme sa présence en Europe et de plus en plus de d’artisans-facteurs en produisent. Son enseignement se développe, les compositeurs et les bons solistes popularisent petit à petit ce nouvel instrument. Mais cet instrument reste difficile à maîtriser et limité dans son développement, le chromatisme restant très pauvre. L’anche est encore placée au-dessus du bec, mais déjà la méthode de V. Roeser (1764) et Heinrich Bärmann (vers 1810) conseille de retourner le bec, l’anche étant désormais fixée en dessous.
Le développement de la clarinette se poursuit souvent par la collaboration d’un soliste et d’un bon artisan, généralement de manière empirique. Ainsi l’instrument à 5 clés, courant à l’époque de Mozart (fin du 18ème) est augmenté d’une 6ème clé (Do#-Sol#) en 1791 (méthode de Lefèvre, Paris). Rapidement d’autres modèles intégrant de nouvelles clés s’en suivent. Chaque clé supplémentaire facilite l’émission, l’intonation ou la technique de jeu. En 1827, Simiot (Lyon) produit des instruments jusqu’à 20 clés !
4.Le système « Boehm »
Louis Auguste Buffet (1789-1864) facteur d’instruments de musique à vent (oncle de Jean-Louis Buffet, fondateur de la marque éponyme actuelle) est approché dès 1838 par le nouveau professeur de la classe de clarinette du Conservatoire de Paris Hyacinthe Klosé (1808-1880), successeur depuis 1838 de Frédéric Beer. Une collaboration entre MM. Buffet et Klosé abouti à un projet de clarinette entièrement repensée, qui n’est pas basée sur les systèmes et doigtés utilisés jusqu’alors. La patente N°16036, déposée en décembre 1843 et acceptée le 19 fév. 1844 est intitulée « clarinette à anneaux mobiles ». Aussi, une première méthode par H. Klosé est publiée immédiatement. Cette clarinette a ensuite été associée au nom de Boehm en raison de la similitude de la clé à 3 anneaux de la main droite. Le nom de Boehm étant devenu très populaire en France grâce à ses magnifiques travaux dans le domaine de la flûte. Le nom « système Boehm » est désormais lié à la clarinette de Buffet/Klosé.
Cette nouvelle clarinette, de construction radicalement nouvelle, comporte de nombreuses créations très innovantes. Ce nouveau concept comprend 6 clés à anneaux et 17 clés standard, dont certaines sont doublées, dans sa forme de base. Il constitue un progrès notable en termes d’émission, d’intonation et d’ergonomie. Ce système s’est très largement imposé en France et progressivement à l’international dans le premier quart du 20e siècle, sauf en Allemagne et les pays sous influence germanophone. Les doigtés fourches ont disparu (sauf un) et l’homogénéité des sons est largement améliorée. Ce nouveau clétage partiellement doublé permet une grande virtuosité et l’excellence de l’école française à travers ses grands solistes va largement contribuer au succès mondial du « système appelé Boehm ».
6. Les créations d’Ernst Schmidt
Ernst Schmidt (1871-1954) est un clarinettiste originaire de la région de Mannheim. Perfectionniste, il propose des améliorations sur des instruments d’école allemande puis française. En collaboration avec le facteur Louis Kolbe il met au point dès 1905 un concept appelé « Schmidt-Kolbe ». Basé sur l’école allemande (Müller-Bärmann), il propose au moyen de trous et de clés supplémentaires de résonnance d’égaliser les timbres, l’émission et la justesse.
Plus tard, Ernst Schmidt conçoit le système « Boehm Reform » basé sur la clarinette crée par Buffet-Klosé. Ce concept est une combinaison entre une perce allemande, ainsi qu’un bec et des anches allemandes appliqué aux doigtés Boehm. Il intègre 4 nouveaux trous de résonance afin d’unifier les timbres, l’émission et l’intonation. Aussi, il brevète en 1912 son système de « Sib clair » (génial principe de meilleure gestion du trou de douzièmes et du SI bémol de gorge). Il y intègre aussi des rouleaux sur les clés de l’auriculaire droit.
Le système « Boehm Reform » est repris et perfectionné par son successeur Fritz Wurlizer (1888-1984) puis par Herbert Wurlitzer, son fils. Le principe est également appliqué à la clarinette basse avec grande réussite.
Le projet Schmidt-Kolbe n’a malheureusement pas rencontré un succès durable, par contre, le système « Boehm Reform » est toujours d’actualité. Cependant, l’obligation d’utiliser bec et anches allemandes limite fortement son adoption en dehors des pays sous influence allemande
On doit à Ernst Schmidt l’application convaincante des trous de résonances ainsi qu’un système simple d’amélioration du SI bémol de gorge. De nos jours, le système est proposé par plusieurs artisans de haut niveau dont Seggelke à Bamberg.